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19/05/2014

Ascenseur pour l'échafaud, de Louis Malle

Film noir à la française

Ascenseur pour l’échafaud

Ascenseur pour l’échafaud est un suspense brillamment réalisé par Louis Malle, dans la tradition des films noirs d’Hollywood. Maurice Ronet, bloqué dans un ascenseur, et Jeanne Moreau, qui erre dans Paris à sa recherche, sont inoubliables. La musique de Miles Davis marque le spectateur.

            En 1957, Miles Davis séjournait à Paris quand il fut contacté par un garçon de vingt-trois ans, Louis Malle. Le jeune homme, déjà réalisateur du Monde du silence, lui demanda de composer la musique du film qu’il venait de tourner. Miles Davis visionna Ascenseur pour l’échafaud et improvisa un accompagnement. Depuis, sa musique est devenue célèbre au pont de connaitre une existence autonome.

 ascenseur pour l’échafaud,louis malle,jeanne moreau,maurice ronet,georges poujouly,lino ventura,miles davis           Cependant on ne saurait réduire Ascenseur pour l’échafaud à sa musique, qui d’ailleurs se fond très bien dans le film. Ascenseur pour l’échaffaud est d’abord un suspense brillamment réalisé dans la tradition des films noirs américains. Le film est court (un peu moins d’une heure trente) et rythmé.

            Florence Carala est l’épouse d’un grand industriel qu’elle trompe avec l’un de ses collaborateurs, Julien Tavernier. Les deux amants diaboliques décident de se débarrasser de l’encombrant mari. Un samedi après-midi, au siège de l’entreprise, après la sortie des bureaux, Julien a rendez-vous avec M. Carala qui est resté travailler au dernier étage. Julien tue l’industriel avec le pistolet de ce dernier, et maquille le crime en suicide.

            Une demi-heure plus tard, Julien revient sur les lieux du crime récupérer un objet compromettant qu’il a oublié sur place. Il monte en ascenseur quand, tout à coup, l’engin s’arrête. Le gardien, qui a fini sa journée, vient de couper l’électricité. Julien est condamné à rester bloqué dans son ascenseur jusqu’à lundi matin, sauf s’il trouve le moyen d’en sortir d’ici là. Pendant ce temps, Florence Carala, qui a rendez-vous avec lui, reste sans nouvelle de sa part et erre dans Paris à sa recherche. Par ailleurs, deux très jeunes gens, Louis et Véronique « empruntent » la voiture de Julien, qu’il avait laissée en stationnement dans la rue. Ils partent pour une virée au cours de laquelle ils vont tuer deux touristes allemands, avec l’arme de Julien.

Louis Malle réussit à mener de front trois actions simultanées

            Très habilement, alors que l’entreprise est a priori périlleuse, Louis Malle réussit à mener de front trois actions simultanées : Julien Tavernier bloqué dans son ascenseur ; Florence Carala qui erre de bar en bar ; Louis et Véro embarqués dans leur folle équipée. L’intrigue est ramassée dans le temps, il se passe moins de vingt-quatre heures de la sortie des bureaux le samedi après-midi à la fin de l’enquête policière dans la journée du dimanche. Comme dans les films noirs, les décors urbains, de préférence la nuit, font partie intégrante de l’histoire. Louis Malle nous montre un panorama de Paris et de sa région à la fin des années 50 : un building de bureaux tout neuf, des bars, une chambre de bonne, les premiers kilomètres d’autoroutes construits en France avec l’entrée de l’autoroute de l’Ouest au pont de Saint-Cloud (autoroutes sur lesquelles se pratique le culte de la vitesse), et même un motel comme dans les films hollywoodiens.

            L’intérêt du film repose aussi sur le contraste entre les deux couples d’amants. Julien et Florence sont des bourgeois installés dans la vie qui planifient froidement leur crime, tandis que Louis et Véro sont deux jeunes un peu paumés qui tuent sans préméditation, dans un geste impulsif.

            Jeanne Moreau, vingt-neuf ans, joue Florence Carla. Le film s’ouvre au son de sa voix dont le phrasé est si particulier. Son amant, Julien Tavernier, est interprété par Maurice Ronet, trente ans. Héros de guerre au physique avantageux, il est élégant et séduisant. Son timbre de voix un peu perché peut surprendre.

            Louis Malle dirigera à nouveau Maurice Ronet et Jeanne Moreau six ans plus tard, dans Le Feu follet, adaptation du livre de Drieu La Rochelle. Maurice Ronet y trouvera le rôle de sa vie, un peu comme si Ascenseur pour l’échafaud avait été pour lui un marchepied pour Le Feu follet.

 

Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle (1957), avec Jeanne Moreau, Maurice Ronet, Georges Poujouly et Lino Ventura, DVD Arte Editions.

23/12/2013

Plein Soleil, de René Clément

Le film qui fit de Delon une vedette

Plein Soleil

Alain Delon a vingt-cinq ans quand René Clément lui donne sa chance en lui offrant le premier rôle dans Plein Soleil, un thriller adapté d’un roman de Patricia Higsmith. Le réalisateur exploite la beauté ténébreuse du jeune acteur et fait de lui un criminel diabolique au sourire carnassier, qui jalouse le personnage joué par Maurice Ronet.

            Plein Soleil est le film qui, en 1960, fit d’Alain Delon une vedette. Depuis, l’acteur rend régulièrement hommage au réalisateur René Clément de l’avoir choisi pour le rôle principal ; ce qui allait donner un coup d’accélérateur à sa carrière. Le film est tiré de Monsieur Ripley (The Talented Mr Ripley), un roman de Patricia Highsmith, auteur à succès de thrillers, parmi lesquels L’Inconnu du Nord-Express (Strangers on a train) adapté au cinéma, quelques années auparavant, par Hitchcock.

plein soleil,rené clément,delon,maurice ronet,marie laforêt,romy schneiderPlein Soleil est d’abord un beau spectacle. Chose rare pour un film français de l’époque qui ne soit pas une reconstitution en costumes, il a été tourné en couleurs. Le Technicolor nous offre des couleurs vives et éclatantes ; il nous permet de mieux ressentir la chaleur de l’été en Italie, où se déroule l’action. La couleur met aussi en valeur le physique d’Alain Delon. L’acteur a alors vingt-cinq ans, et René Clément, apparemment convaincu que sa jeunesse et sa beauté crèveront l’écran, nous le montre allègrement torse nu, tenant la barre d’un yacht au milieu des flots, sous un ciel bleu azur.

Sur le plan physique, Delon est en compétition avec son grand ami dans la vie, Maurice Ronet, son aîné de quelques années. Ronet joue le rôle de Philip Greenleaf, un fils à papa, fortuné et séducteur, que Delon, dans le rôle de Tom Ripley, doit ramener à la maison à la demande de son père. Mais Tom convoite la fortune et la fiancée de Philip. Il le jalouse au point de passer à l’acte. Plein Soleil c’est un peu l’histoire de Caïn et Abel. Il est d’ailleurs troublant de savoir que Delon et Ronet retrouveront les mêmes types de personnages et de situation, huit ans plus tard, dans La Piscine de Jacques Deray. Marie Laforêt joue le rôle de la fiancée de Philipp, tandis que Romy Schneider, qui vit alors une idylle avec Alain Delon, fait une courte apparition au début du film.

Le prétendu manque de style de René Clément

Les Cahiers du cinéma, François Truffaut en tête, reprochaient à Clément son manque de style. Il est vrai qu’on n’identifie pas immédiatement un film de Clément, alors que par exemple on reconnaît du premier coup un film de Jean-Pierre Melville à son style dépouillé à la limite de l’épure. Mais, qu’importe ! Plein Soleil est un film très efficace et c’est ce qui compte. Par ailleurs on ne peut qu’admirer la maîtrise dont Clément fait preuve dans la réalisation et dans la direction d’acteurs.

L’image est soignée, elle est belle à regarder ; et Clément a compris, au-delà de l’aspect physique, le potentiel qu’il y avait dans le jeu de Delon. Avant Plein Soleil, l’acteur était déjà un jeune premier du cinéma, mais il n’était pas encore une vedette pleine et entière. Et surtout, il paraissait destiné aux rôles de jeune héros romantique, comme dans Christine de Gaspard-Huit. Avec Clément, il montre que sa beauté ténébreuse et son sourire carnassier lui permettent d’incarner des personnages d’une autre dimension. Monsieur Ripley est un criminel, mais il est jeune, beau, séduisant et élégant, de telle sorte que le spectateur peut s’identifier à lui ; il y a là quelque chose de presque diabolique. Le personnage de Tom Ripley annonce les rôles que Delon jouera plus tard pour Visconti, Melville ou Losey.

 

Plein Soleil de René Clément (1960), avec Alain Delon, Maurice Ronet et Marie Laforêt, DVD Studio Canal.